À la rencontre de Geoffrey Rouge-Carrassat
Accueilli en juin dernier à La Pokop pour présenter Conseil de classe lors de la 5ème édition de Démostratif, festival des arts scéniques émergents, Geoffrey Rouge-Carrassat est l’artiste associé à l’Université de Strasbourg pour les saisons culturelles 2022-2024.
Portrait de ce jeune auteur, metteur en scène et comédien talentueux qui promet de marquer l’histoire de La Pokop.
« Je fais du théâtre, point barre »
Originaire de l’est lyonnais, Geoffrey Rouge-Carrassat découvre le théâtre dans une compagnie de théâtre amateur qui place l’improvisation au cœur de sa pratique. Sa vocation est toute trouvée, il fera du théâtre. Il intègre d’abord le Conservatoire à rayonnement régional de Lyon dans lequel il étudie pendant deux ans. Puis, à 17 ans, il est admis au Conservatoire National Supérieur d’Art Dramatique de Paris (CNSAD).
S’il se destinait d’abord à une carrière de comédien, Geoffrey Rouge-Carrassat se tourne finalement vers l’écriture et la mise en scène, un moyen pour lui d’être maître de son œuvre.
« Effectivement dans les biographies c’est écrit auteur, metteur en scène, comédien, mais en fait ce que j’aimerais pouvoir dire, sans que ça paraisse simpliste, c’est que je fais du théâtre, point barre. […] C’est-à-dire que ça touche à l’écriture, à la mise en scène, au jeu, à l’administration, à la production. Ça touche à plein de choses. J’ai choisi d’être autonome et indépendant, ce qui est à la fois une charge de travail énorme, et en même temps ça me permet d’avoir une conscience de tout et donc de pouvoir choisir au mieux mon geste artistique. »
En 2016-2017, il est artiste en résidence au Collège Cesária Évora de Montreuil dans le cadre du programme de formation Artiste Intervenant en Milieu Scolaire (AIMS). À cette occasion, il écrit et met en scène Imagine une cabane avec 11 adolescents qui lui inspirera la pièce Conseil de classe qu’il écrit, met en scène et joue seul sur scène.
Il poursuit ses études avec un master de Création Littéraire à l’Université Paris 8 au cours duquel il crée Roi du silence et Dépôt de bilan, deux seuls en scène. Ensemble ces trois pièces forment un triptyque inspiré de ses expériences personnelles. Ainsi, Conseil de classe parle de son expérience de professeur dans un collège, Roi du silence prend racine dans son désir de faire de son coming-out un spectacle et Dépôt de bilan part de son expérience de workaholic. Et pourtant, bien que ses pièces parlent de sa vie personnelle, il ne les présente pas comme des autobiographies mais comme des autofictions. Ses propres expériences ne sont que le point de départ de ses histoires qui viennent nourrir une réflexion qui tend vers l’universel.
« Le principe d’une résidence à l’Université, c’est une porosité avec la vie de l’université et les étudiants »
Depuis 2019, Geoffrey Rouge-Carrassat, pour son doctorat au CNSAD, mène un projet de recherche-création autour des dispositifs théâtraux ludiques qui offrent aux actrices et acteurs une certaine jouabilité. Il s’éloigne alors de l’autofiction et cherche de nouvelles formes, en plaçant la thématique du « jeu » au centre de son geste artistique.
« C’est comme si j’avais réglé beaucoup de questions personnelles et que j’étais un peu épuisé, que j’avais un peu épuisé les thématiques qui étaient problématiques pour moi et qui pouvaient inspirer des textes ou des spectacles et maintenant je me tourne vers d’autres choses. »
En septembre 2021, invité par le Service universitaire de l’action culturelle (Suac) pour une résidence d’une semaine à l’Université de Strasbourg, il travaille sur sa prochaine création : Gilgamesh Variations. Avec sept actrices et acteurs, et deux musiciens, il imagine un spectacle sans mise en scène fixe où les interprètes découvrent leur rôle les soirs de représentations et ont sept minutes pour se préparer devant les spectateurs. De cette manière, le public y fait l’expérience chaque soir d’un spectacle unique et en création.
Cette première rencontre avec le Suac pose ainsi les premières pierres d’une étroite collaboration puisqu’il devient artiste associé à l’Université de Strasbourg l’année suivante. À cette occasion, le Suac l’invite à proposer une multitude de projets ouverts à l’ensemble de la communauté universitaire : résidences de création, ateliers auprès d’étudiants, rencontres avec des professionnels du spectacle vivant ou encore invitations d’artistes à se produire à La Pokop, Geoffrey Rouge-Carrassat se propose d’ « Habiter l’Université ». Au point que le Suac décide de faire de la thématique du « jeu », travaillée par l’artiste, celle de sa saison culturelle 2022-2023.
« GRAND-CHOSE, c’est plus une performance que du théâtre »
Le 3 décembre prochain, il présentera GRAND-CHOSE, une performance qui prend racine dans ses jeux d’enfants. Pensé comme un objet de recherche-création, il cherche avec cette performance la limite à partir de laquelle une création devient théâtre.
« GRAND-CHOSE part de l’idée que potentiellement, dans mes jeux d’enfants, dans la manière que j’avais de les organiser, il pouvait y avoir l’identité, l’essence de mon geste de mise en scène. Comme si tout ce qui se passait après pouvait être influencé par les formes qu’on voit, ce qui est apprécié au théâtre, ce qui est bien vu, ce qui est de bon goût, tout ça. Et je me disais que potentiellement ce que je fais actuellement, je le fais par rapport aux valeurs du public et de mes pairs du théâtre, de la communauté théâtrale. Mais, peut-être que dans mes jeux d’enfants, il y avait déjà une identité artistique et une identité de mise en scène que j’aimerais retrouver. »
Pour Geoffrey Rouge-Carrassat, la performance offre de multiples possibilités : elle permet d’interroger le médium théâtral et ses définitions, elle propose une autre expérience du spectateur, elle permet d’aborder la représentation comme une aventure unique et propose une alternative à la narration.
« Je sais comment ça commence, comment les choses sont initiées, mais je ne sais pas où elles vont. Je ne sais pas où elles vont aller, comment ça va finir et comment ça va se connecter. Je ne sais pas quel sens les choses vont avoir. Aussi, je ne sais pas à quel point mon corps va s’engager. »